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Harmoniser le droit européen sur les brevets : la Juridiction unifiée des brevets et le système de brevet unitaire

 

La Juridiction Unifiée des Brevets – Une introduction

Le 1er juin 2023, l’accord relatif à la juridiction unifiée des brevets est entré en vigueur. Par conséquent, la juridiction unifiée des brevets a vu le jour, et le système des brevets unitaires fut introduit. Cette nouvelle juridiction européenne offre une protection plus étendue des brevets parmi les États membres et facilite l'harmonisation des lois régissant la jurisprudence en matière de brevets. Seuls les membres de l’union européenne peuvent rejoindre l’accord sur la JUB (AJUB), ce qui a disqualifié le Royaume Uni en 2020. Si tous les pays de l’UE n’ont pas signé et ratifié l’AJUB, 18 pays sont actuellement membres.

 

Créer une unique cour en charge des affaires de contrefaçon et de révocation assure une loi plus stable et unifiée. A partir du premier juin 2023, pour les litiges dans lesquels les actes de contrefaçon ont lieu dans plusieurs Etats, une seule action pourra être intentée devant la JUB. En effet, l’ancien système imposait que ces actions soient amenées devant les cours nationales. Cela engendrait parfois des décisions contraires, comme les cours peuvent avoir des approches différentes. La JUB offre une interprétation des brevets commune aux états membres.

 

Avec l’établissement de la Juridiction Unifiée des brevets (JUB), la compétence exclusive pour les litiges est passée des cours nationales à la JUB. Par conséquent, un seul brevet bénéficie maintenant d’une application légale uniforme au sein de la majorité de l’Europe.

Le brevet unitaire – signification et effets

Simultanément à l’entrée en vigueur de l’AJUB, la possibilité  de déposer la requête pour un effet unitaire sur un brevet européen devant l’office européen des brevets (OEB) fut aussi introduite. Quand un brevet se voit attribuer l’effet unitaire, il se voit attribuer un statut légal commun dans l’ensemble des états membres de l’accord. Afin d’obtenir un effet unitaire, la partie devra présenter sa demande devant l’OEB. Cela concerne tous les brevets européens délivrés après le premier juin 2023. La demande d’effet unitaire doit être effectuée dans un délai d’un mois après la délivrance du brevet. De plus, le brevet doit avoir les mêmes revendications pour tous les états membres et la partie doit fournir une traduction. Les brevets en allemand ou français doivent être traduits intégralement en anglais. Un brevet en anglais doit être traduit dans une des langues de l’Union Européenne.

 

Afin de conserver un brevet unitaire, le propriétaire doit s’acquitter de frais annuels de maintien. A l’inverse, les brevets européens conventionnels requièrent plusieurs frais de maintiens qui peuvent varier en prix et doivent être payés auprès de différents offices nationaux de brevets. Ces offices fonctionnent avec des systèmes judiciaires différents, notamment en ce qui concerne les échéances et les moyens de recours. Avec un brevet européen, le propriétaire s’acquitte directement auprès de l’OEB de frais uniques, en utilisant une unique monnaie et sous un système légal uniforme en ce qui concerne les échéances ou les moyens de payement. Le montant dépend du nombre d’années qui se sont écoulées depuis le dépôt de la demande de brevet. Par exemple, 2 ans après le dépôt, les frais annuels de maintien s’élèvent à 35€. A l’inverse, après 20 ans, les frais annuels de maintien passent à 4.855€.

 

Avec l’établissement de la Juridiction Unifiée des brevets (JUB), la compétence exclusive pour les litiges est passée des cours nationales à la JUB. Par conséquent, un seul brevet bénéficie maintenant d’une application légale uniforme au sein de la majorité de l’Europe. Si un brevet ne se voit pas attribuer l’effet unitaire, la procédure de frais de maintiens diffère. Afin de maintenir un brevet en, par exemple, Allemagne, France, Italie et aux Pays-Bas, le titulaire devra supporter les frais de chaque pays chaque année. L'intérêt de déposer une demande de brevet unitaire dépend du nombre et de la sélection des pays de l'UE dans lesquels la protection par brevet est demandée. Les frais de maintien pour un brevet unitaire sont pratiquement identiques à ceux pour un brevet européen protégé dans quatre grands pays de l’UE. Par conséquent, maintenir un brevet unitaire est plus rentable si la protection est désirée dans plus de quatre pays de l’UE. Si les frais de maintien sont plus importants que ceux pour des brevets dans certains pays (France, Allemagne…), ils sont moins importants que la totalité des frais engendrés pour un brevet protégé dans les 18 états membres.

 

Comment la juridiction unifiée des brevets fonctionne -t-elle ?

 

La JUB est organisée avec un tribunal de première instance, une cour d’appel, un greffe et un « centre de médiation et d’arbitrage en matière de brevets » (pour une forme alternative de résolution des litiges). La cour d’appel est localisée au Luxembourg. Le tribunal de première instance est divisé en différentes divisions, avec la division centrale à Paris, Munich et Milan. De plus, de multiples divisions locales furent créées en Europe, avec aussi des divisions régionales. Avec ce système décentralisé, la majorité des membres de l’AJUB ont un tribunal de première instance, ce qui permet une juridiction plus accessible.

 

Seuls les professionnels qui sont enregistrés et autorisés à représenter des clients dans les pays membres peuvent représenter des parties devant la JUB. En ce qui concerne le brevet en lui-même : tous les brevets unitaires délivrés sont exclusivement gérés par la nouvelle cour. A l’inverse, un brevet européen (un brevet délivré avant l’AJUB, ou si le titulaire choisit de ne pas demander l’effet unitaire) peut être géré par la JUB ou les cours nationales. En d’autres termes, tous les brevets européens, qui ne sont pas unitaires, tombent sous la juridiction des cours nationales et de la JUB.  De plus, un brevet européen bénéficie d’un statut transitionnel pendant une période, permettant au titulaire de décider s’il souhaite rester sous la compétence de la JUB ou s’il souhaite y renoncer. Pendant une période de 7 ans, prolongeable une fois, le titulaire peut choisir de renoncer à n’importe quel moment à la compétence exclusive de la JUB. Pendant cette période, pour s’assurer d’une transition sans heurts, la JUB et les cours nationales ont une double compétence sur les conflits concernant le brevet, sauf si le titulaire décide de renoncer à la compétence de la JUB. Dans ce cas-là, les cours nationales auront la compétence exclusive sur les litiges du brevet. Finalement, la décision de renonciation peut être retirée une fois. Seulement, le retrait de cette renonciation ne pourra être possible que s’il n’y a pas déjà eu de litige national.

 

La JUB n’a pas compétence sur tous les sujets regardant les brevets. D’après l’article 32 de l’AJUB, la cour est compétente pour :

  • Les actions en contrefaçon ou en menace de contrefaçon des brevets et de certificats complémentaires de protection et les défenses y afférentes, y compris les demandes reconventionnelles concernant les licences,

  • Les actions en constatation de non-contrefaçon de brevets et de certificats complémentaires de protection,

  • Les actions visant à obtenir les mesures provisoires et conservatoires et des injonctions,

  • Les actions en nullité de brevets et de certificats complémentaires de protection,

  • Les demandes reconventionnelles en nullité de brevets et de certificats complémentaires de protection,

  • Les actions en dommages-intérêts ou en réparation découlant de la protection provisoire conférée par une demande de brevet européen publiée,

  • Les actions relatives à l’utilisation de l’invention avant la délivrance du brevet ou au droit fondé sur une utilisation antérieure de l’invention,

  • Les actions en réparation concernant les licences formées sur la base de l'article 8 du règlement (UE) no 1257/2012,

  • Les actions concernant les décisions prises par l'Office européen des brevets dans l'exercice des tâches visées à l'article 9 du règlement (UE) no 1257/2012.

 

L’AJUB a déterminé que certaines problématiques resteraient sous la juridiction des cours nationales, par exemple, les actions concernant les brevets nationaux et les certificats supplémentaires de protection ne tombent pas sous la compétence exclusive de la JUB.

 

Une action devant la JUB

La juridiction compétente dépendra de divers critères. En ce qui concerne les actions en contrefaçon, il y a plusieurs possibilités. La division locale ou régionale du pays membre de la JUB dans lequel la contrefaçon a eu lieu (Art 33 (1)(2)), ou dans lequel le défendant a son siège (Art 33 (1)(b)), sera compétente. Si la contrefaçon a eu lieu au sein d’un pays membre, mais sans division locale ou régionale (Art 33 (1)(2)) ou si le défendant n’a pas de siège dans un des pays membres de l’AJUB (Art 33 (1)(3)), la division centrale sera compétente.

 

Pour les actions en nullité, la division centrale sera compétente (Art 33 (4)). Une demande reconventionnelle pour révocation sera amenée devant la division locale ou régionale (Art 33 (3)(a)). Seulement, la division locale ou régionale pourra aussi déférer la procédure de nullité ou toute la procédure, avec l’accord des parties, à la division centrale (Art 33(3)(b)).

 

Toutes les actions devant la division centrale de la cour de première instance de la JUB sont classées en accord avec la Classification Internationale des Brevets (CIB) de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle. Les affaires portées devant la division centrale sont réparties entre les trois sections (Annexe II, AJUB, telle que modifiée le 26 juin 2023 en vertu de l’article 87(2) AJUB). La section de Milan entend les affaires concernant (A) les nécessités humaines, sans certificats complémentaires de protection. La section de Munich entend les affaires concernant (C) la chimie, la métallurgie, sans certificats complémentaires de protection et (F) le génie mécanique, l’éclairage, le chauffage, les armes, le dynamitage. La section de Paris entend les affaires concernant (B) l'exécution des opérations, le transport, (D) les textiles, le papier, (E) les constructions fixes, (G) la physique, (H) l’électricité et les certificats complémentaires de protection.

 

Quelle est la de procédure ?

Dans une cour représentant les intérêts de 18 pays européens, la question de la langue est centrale. La langue de procédure fut déterminée par les articles 49, 50 et 51 de l’AJUB. Il a été décidé que la procédure devant le tribunal de première instance, dans toute section locale ou régionale, se déroulera dans une langue officielle de l'Union européenne, qui est la langue officielle ou l'une des langues officielles de l'État membre contractant hébergeant la division concernée. Les parties peuvent aussi se mettre d’accord pour utiliser la langue dans laquelle le brevet a été déposé, si approuvé par la section compétente. A la division centrale, les procédures se tiendront dans la langue dans laquelle le brevet a été délivré.

 

A la cour d’appel, la langue sera celle utilisée en première instance. De manière alternative, les procédures peuvent se tenir dans la langue dans laquelle le brevet a été délivré si les parties s’accordent à ce sujet.

 

Quelles sont les étapes de la procédure en première instance ?

En ce qui concerne les affaires de contrefaçon et de révocation, la première instance fonctionne en trois sous-procédures. Afin de respecter la date butoir d’un an spécifiée dans le règlement de procédure de la JUB, chaque procédure doit respecter une stricte et courte limite de temps. Par exemple, l’AJUB s’est engagé à assurer une audience finale dans un délai d'un an pour les cas de contrefaçon, tel que le prévoit le livre de règlement.

 

La procédure écrite consiste principalement en l'échange des mémoires, la déclaration initiale introduisant l'action. Selon l'action, celle-ci peut débuter par une déclaration de contrefaçon ou une déclaration de révocation. Par la suite, le défendeur et son avocat doivent fournir un mémoire en défense. La première conclusion écrite d'une partie (mémoire en demande ou mémoire en défense) doit exposer l'ensemble de ses arguments, preuves, exposé de droit et avis d'experts. En d'autres termes, la partie et son avocat doivent accorder une attention particulière à leurs mémoires, car ils sont essentiels à l'évolution du recours. Il est stratégique de présenter l'ensemble des preuves dans le premier mémoire, d'autant plus que la procédure écrite est soumise à un délai très strict. Toutefois, le juge-rapporteur peut ordonner la production de preuves complémentaires dans le cadre de la procédure de mise en état. Un calendrier aussi serré présente d'importants défis pour la partie défenderesse, dans la mesure où celle-ci doit soulever dans sa première déclaration de défense tous les arguments de non-infraction ainsi que l'ensemble des preuves concernant la validité du brevet. Cette déclaration de défense doit être déposée au plus tard trois mois après la déclaration de contrefaçon.

 

À l'issue de la procédure écrite, débute la procédure de mise en état, d'une durée d’un à trois mois. Pendant ces mois, le juge-rapporteur donne diverses instructions aux parties pour préparer l'audience orale et s'assurer que l'affaire respecte le délai d'un an. Le juge peut demander des preuves supplémentaires ou des documents additionnels. Le cas échéant, une conférence de mise en état peut être ordonnée afin de permettre au juge de clarifier les positions des parties, leurs réclamations et d'examiner la possibilité d'un règlement amiable.

 

Enfin, l'audience de l'affaire se déroule lors de la procédure orale, dont la durée n'excède généralement pas une journée. Les preuves orales présentées par les parties, telles que l'interrogatoire des experts et/ou des témoins, sont recueillies au cours de cette journée. Pour garantir le respect du délai, les interventions orales seront limitées aux questions spécifiques convenues lors de la procédure incidente. Puisque l'audience aura été préparée lors des procédures écrite et incidente, la procédure orale se veut très efficace et brève, bien qu'une procédure orale prolongée puisse être ordonnée en cas d'affaire complexe.

 

La décision du tribunal sera communiquée au plus tard six semaines après la clôture de la procédure orale, accompagnée de ses motifs. Le jugement peut également être prononcé immédiatement après l'audience, les motifs détaillés étant fournis ultérieurement. Toute partie qui n'obtiendrait pas gain de cause dans sa demande peut décider de faire appel. Toutefois, la décision d'interjeter appel n'a pas d'effet suspensif (article 74 de l’AJUB) sauf lorsqu'il s'agit d'une décision sur des actions ou une demande reconventionnelle en révocation.

 

Dans le cas d'une procédure d'attribution de dommages-intérêts ou concernant les dépens, celles-ci se dérouleront après la décision sur le fond.

 

 

Quels sont les frais d’une procédure devant la JUB ?

 

La JUB ayant été créée en tant que tribunal autofinancé, des frais fixes ont été imposés par l'AJUB pour toute action. Il est prévu que toutes les parties supportent ces frais, ce qui constitue une nouveauté pour les demandeurs français. Ainsi, les frais de départ pour une action en contrefaçon, une demande reconventionnelle en contrefaçon ou une demande de mesures provisoires sont fixés à 11 000 €. Pour une action en révocation, les frais s'élèvent à 20 000 €.

 

En outre, des frais complémentaires basés sur la valeur de l'action peuvent s'appliquer pour certaines procédures, par exemple lorsqu'une procédure en dommages-intérêts est engagée. Dans ce cas, ces frais peuvent varier de 2 500 € pour une action dont la valeur dépasse 500 000 €, jusqu'à 325 000 € pour une action dont la valeur dépasse 50 millions d'euros. Par exemple, une action d'une valeur de 2 millions d'euros coûtera 11 000 € en frais fixes, auxquels s'ajouteront 13 000 € de frais basés sur la valeur.

 

Il est également possible qu'une partie obtienne un remboursement de ses frais de justice dans des circonstances spécifiques. De même, comme devant les juridictions françaises, les frais de justice engagés par la partie gagnante seront supportés par la partie perdante. Toutefois, dans les cas où la partie gagnante n'obtient qu'un succès partiel, le tribunal pourra décider que chaque partie assume ses propres frais. Par ailleurs, la partie ayant obtenu gain de cause pourra engager une procédure différente afin de fixer le montant des frais de justice. Globalement, la possibilité de remboursement des frais dépend de la valeur de l'action.

 

Les petites et micro-entreprises bénéficieront également d'une réduction de 40 % sur les frais de justice. Une compensation de 5 000 € pour les frais de traduction est accessible aux particuliers, PME, organismes à but non lucratif, universités et organismes de recherche publics établis dans les États membres de l'UE. Pour en bénéficier, la demande de brevet européen ou Euro-PCT sous-jacente doit être déposée dans une langue de l'UE autre que l'anglais, le français ou l'allemand. La demande de compensation doit être soumise simultanément à la demande d'effet unitaire et inclure une déclaration confirmant l'éligibilité. Par ailleurs, la compensation n'est accordée que si elle est expressément sollicitée par le titulaire du brevet. La demande de compensation doit accompagner la demande d'effet unitaire et contenir une déclaration précisant que le titulaire est éligible.

 

Les titulaires de brevet unitaire qui déposent une déclaration indiquant qu'ils sont prêts à autoriser toute personne à utiliser leur invention (licence d'office) bénéficieront en outre d'une réduction de 15 % sur les frais de renouvellement qui deviendront exigibles après réception de leur déclaration. 

 

Récemment, la cour d'appel a jugé que le remboursement de 20 % des frais de justice lorsqu'une action est retirée ne peut être perçu que si ce retrait intervient avant la fin de la procédure orale (JUB, CA, 18 avr. 2025, UPC_CoA520/2024). La cour a également souligné qu'en application de la règle 265 des règles de procédure, si une action est retirée, le demandeur peut recevoir un remboursement de 60 % si le retrait est effectué avant la fin de la procédure écrite, 40 % s'il intervient avant la fin de la procédure de mise en état, et 20 % s'il est effectué avant la fin de la procédure orale.

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