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Produits Obtenus Exclusivement Par Des Procédés Essentiellement Biologiques

BREVETABILITÉ DES PRODUITS OBTENUS EXCLUSIVEMENT PAR DES PROCÉDÉS ESSENTIELLEMENT BIOLOGIQUES, OU EN SOMMES-NOUS ?

L’article 53b) de la Convention sur le Brevet Européen stipule que :

« Les brevets européens ne sont pas délivrés pour : […]

b) les variétés végétales ou les races animales ainsi que les procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux […] »

L’interprétation de la notion de « procédé essentiellement biologique» a été traitée par les décisions G1/08 (Tomate I) et G2/07 (Brocoli I). En effet, dans ces décisions, la Grande Chambre de Recours a conclu que « un procédé non microbiologique d'obtention de végétaux qui comporte les étapes consistant à croiser par voie sexuée le génome complet de végétaux et à sélectionner ultérieurement des végétaux, ou un procédé non microbiologique d'obtention de végétaux qui est constitué desdites étapes, est en principe exclu de la brevetabilité comme étant "essentiellement biologique" au sens de l'article 53b) CBE. ».

En d’autres termes, est exclu de la brevetabilité, tout procédé fondé sur le croisement par voie sexuée de génomes complets et sur la sélection ultérieure de végétaux ou d'animaux. Cela vaut même si ce procédé inclut une intervention humaine, y compris la fourniture d'un moyen technique, ayant pour but de permettre ou de soutenir l'exécution des étapes de ce procédé, ou même si la revendication inclut, avant ou après les étapes de croisement et de sélection, d'autres étapes techniques liées à la préparation du végétal ou de l'animal ou à la poursuite de son traitement.

Il ressort de ces décisions G1/08 (Tomate I) et G2/07 (Brocoli I) que les procédés fondés sur le croisement par voie sexuée de génomes complets et sur la sélection ultérieure de végétaux ou d'animaux sont exclus de la brevetabilité. Mais qu’en est-il des produits (plantes, matériel végétal ou animaux) obtenus exclusivement au moyen de procédés essentiellement biologiques ? Sont-ils eux aussi exclus de la brevetabilité ?

Des premières réponses ont été données dans les décisions G2/12 (Tomate II) et G2/13 (Brocoli II) par la Grande Chambre de Recours de l’Office Européen des brevets.

En effet, dans la décision G2/12, la Grande Chambre de Recours de l’Office Européen des brevets a décidé que : « En particulier, le fait que l'unique procédé disponible à la date de dépôt pour obtenir l'objet revendiqué est un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux divulgué dans la demande de brevet n'a pas pour effet de rendre inadmissible une revendication portant sur des végétaux ou une matière végétale autres qu'une variété végétale. »

Dans la décision G2/13, la Grande Chambre de Recours de l’Office Européen des brevets (») a décidé que : « Le fait que les caractéristiques de procédé d'une revendication de produit obtenu par un procédé visant des végétaux ou du matériel végétal autre qu'une variété végétale définissent un procédé essentiellement biologique pour la production de végétaux ne rend pas inadmissible la revendication ».

Selon ces décisions G2/12 (Tomate II) et G2/13 (Brocoli II), il était possible d’obtenir un brevet portant sur des produits (plantes, matériel végétal ou animaux) obtenus exclusivement par des procédés essentiellement biologiques.

Suite à l’avis de la Commission Européenne paru le 3 novembre 2016 concernant certains articles de la directive "Biotechnologie" de l'Union européenne (98/44/CE), l’Office européen des brevets a décidé, en date du 12 décembre 2016, de suspendre toutes les procédures d'examen et d'opposition dans lesquelles l'invention porte sur un végétal ou un animal obtenu par un procédé essentiellement biologique.

En particulier, dans cet avis, la Commission Européenne précisait que : « l’intention du législateur de l’Union européenne lors de l’adoption de la directive 98/44/CE était d’exclure de la brevetabilité les produits (végétaux/animaux et parties de végétaux/animaux) obtenus par un procédé essentiellement biologique».

Compte-tenu du fait que plusieurs États membres de l’Office Européen des Brevets avaient choisi de modifier leurs législations en vue d’exclure de la brevetabilité les produits (végétaux/animaux et parties de végétaux/animaux) obtenus par des procédés essentiellement biologiques, le Conseil d’Administration de l’Office Européen des Brevets, en date du 29 juin 2017, a décidé de modifier la règle 28 du règlement d'exécution de la Convention sur le brevet européen, de manière à préciser que :

"(2) Conformément à l'article 53b), les brevets européens ne sont pas délivrés pour des végétaux ou animaux obtenus exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique."

Cette nouvelle disposition s’appliquant aux demandes de brevet européen déposées à compter du 1er juillet 2017, ainsi qu'aux brevets européens et aux demandes de brevet européen en instance à cette date.

Dans l'affaire T 1063/18, la société Syngenta a formé un recours contre la décision d'une division d'examen de rejeter sa demande de brevet européen no. 12756468,0 (publication n°EP2753168) pour la seule raison qu'elle considérait que l'objet revendiqué concernait des végétaux obtenus exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique qui relevait de l'exception à la brevetabilité conformément à l' article 53 b) et règle 28(2) CBE.

La Chambre de recours avait annulé la décision de la division d'examen, aux motifs que :

« Dans la décision attaquée, la division d'examen a estimé que la règle 28(2) CBE constitue une "clarification du champ d'application de l'article 53(b) CBE".

La Chambre de recours ne peut cependant déduire des décisions G 2/12 et G 2/13 aucune autre interprétation de l'article 53(b) CBE que celle selon laquelle les végétaux ne sont pas exclus de la brevetabilité, même s'ils ne peuvent être obtenus que par un procédé essentiellement biologique.

Étant donné que la règle 28(2) CBE exclut de la brevetabilité les végétaux ou les animaux obtenus exclusivement au moyen d'un procédé essentiellement biologique, son sens est en conflit avec le sens de l’Article 53(b) CBE tel qu'interprété par la Grande Chambre de recours. La Chambre de recours reconnaît "le pouvoir du conseil d'administration de fixer des dispositions de droit matériel dans le Règlement d‘Exécution" tel que reconnu dans la décision G 2/07 Toutefois, au point 2.2 de cette décision, il est également noté que "les limites aux pouvoirs législatifs du conseil d'administration par le biais des règlements d‘exécution peuvent être déduites de l'article 164(2) CBE". Aux termes de cet article, en cas de conflit entre les dispositions de la Convention et celles du Règlement d‘exécution, les dispositions de la Convention prévalent. »

Compte tenu du fait que deux chambres de recours avaient rendu des décisions différentes concernant la brevetabilité des produits obtenus exclusivement par des procédés essentiellement biologiques, le Président de l’Office Européen des Brevets a posé, les questions suivantes à la Grande Chambre de recours, en date du 11 avril 2019 :

1. Eu égard à l'article 164(2) CBE, le sens et la portée de l'article 53 CBE peuvent-ils être clarifiés dans le règlement d'exécution de la CBE sans que cette clarification soit a priori limitée par l'interprétation dudit article donnée dans une décision antérieure des Chambres de recours ou de la Grande Chambre de recours ?

2. Dans l'affirmative, l'exclusion de la brevetabilité, selon la règle 28(2) CBE, des plantes et animaux obtenus exclusivement au moyen de procédés essentiellement biologiques est-elle conforme à l'article 53b) CBE, lequel n'exclut ni ne permet explicitement de breveter lesdits objets?

En date du 14 mai 2020, la Grande Chambre de Recours de l’Office Européen des brevets (G3/19 – Décision « Poivron ») a répondu que : « Compte tenu de l'évolution postérieure aux décisions G2/12 et G2/13 de la Grande Chambre de recours, l'exception à la brevetabilité des procédés essentiellement biologiques pour la production de végétaux ou d'animaux à l'article 53 (b) CBE a un effet négatif sur l'admissibilité des allégations de produit et des allégations de produit par procédé visant des végétaux, des matières végétales ou des animaux, si le produit revendiqué est exclusivement obtenu au moyen d'un procédé essentiellement biologique ou si les caractéristiques du procédé revendiquées définissent un procédé essentiellement biologique. Cet effet négatif ne s'applique pas aux brevets délivrés avant le 1er juillet 2017 et aux demandes européennes encore en instance et déposées avant cette date.»

Ainsi, il ressort de la décision G3/19 que les produits (plantes, matériel végétal ou animaux) obtenus exclusivement par des procédés essentiellement biologiques sont à présent exclus de la brevetabilité.

Cette décision G3/19 renverse donc les décisions G2/12 (Tomate II) et G2/13 (Brocoli I), qui avaient jugé que l'exclusion de la brevetabilité portant sur les procédés essentiellement biologiques de l'article 53 b) CBE ne s'étendait pas aux produits obtenus par de tels procédés.

La nouvelle interprétation n'est toutefois pas rétroactive. Elle ne s'applique pas aux brevets délivrés avant le 1er juillet 2017 (entrée en vigueur de la règle 28(2) CBE) ou aux demandes pendantes déposées (ou revendiquant une priorité) avant cette date.

A retenir :

Sont exclus de la brevetabilité, les procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ainsi que les produits (plantes, matériel végétal) obtenus exclusivement par ces procédés.

La même conclusion s’applique pour les procédés essentiellement biologiques d'obtention d’animaux ainsi que les produits (animaux) obtenus exclusivement par ces procédés.

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