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Sort Des Délais De Procédures De Délivrance Des Brevets En Période De Crise



Sort des délais de procédures de délivrance de brevets en situation de crise

Le droit des brevets (notamment les procédures d’obtention de brevets) est émaillé de très nombreux délais de procédure : Délai de priorité, délai d’entrée en phases nationales/régionales, maintien en vigueur, délai de requête en examen, délais impartis par les offices, etc…qui rythment la vie des déposants et de leurs mandataires.

Dans la situation actuelle, quel est le sort de ces délais ? Est-il possible de bénéficier de reports ?

C’est en premier lieu une question nationale, chaque office/état ayant le pouvoir de décider la façon dont les délais doivent être traités. Par exemple, selon une récente communication de l’Office Japonais des Brevets, l’ensemble des délais à respecter au Japon est maintenu.


Il appartient donc en premier lieu de continuer d’être extrêmement vigilant vis-à-vis des délais de procédure en cours, malgré les nouvelles préoccupations qui occupent les déposants.

Il existe différents mécanismes juridiques applicables dans la situation actuelle pour la gestion des délais à l’Office Européen des Brevets.


Prolongation des délais

En principe (R. 132 CBE), un délai imparti par l’Office Européen des Brevets (OEB) ne peut excéder 4 mois. Toutefois, il existe des exceptions, permettant par exemple de prolonger un délai de réponse à une lettre officielle (Communication selon l’A. 94(3) CBE), à 6 mois. La R. 132(2) dernière phrase CBE laisse la possibilité d’obtenir un délai plus long «dans certains cas particuliers», à condition de le demander avant l’expiration du délai. Aujourd’hui, cette prolongation est typiquement systématiquement refusée par l’OEB mais, dans les circonstances actuelles, un peu de flexibilité pourrait être espéré.


Mécanisme de suspension de la procédure

L’Office Européen des Brevets dispose de moyens exceptionnels pour suspendre les délais. Il peut appliquer la R. 134(2) CBE relative aux « délais [qui] expire[nt] un jour où se produit une perturbation générale concernant la distribution ou l'acheminement du courrier dans un Etat contractant (…) ». Cette règle prévoit la prolongation du délai jusqu’au premier jour qui suit la fin de la perturbation (la date de fin de la perturbation étant déterminée explicitement par l’OEB). De plus, cette règle ne concerne que la perturbation dans des Etats contractants explicitement listés (domicile du déposant ou du mandataire), ainsi que celui du siège de l’OEB.

Au 17/03/2020, l’OEB n’a pas encore déclenché ce mécanisme, mais prévoit vraisemblablement de le faire très prochainement avec un effet rétro-actif à partir du 15 mars. Par « chance » (si j’ose), le territoire allemand, où se situe le siège de l’OEB, étant touché par cette perturbation générale, l’ensemble des délais de procédure devant l’Office Européen des Brevets seront concernés. Il faut toutefois rappeler que les délais ne seront prolongés que jusqu’au jour suivant la fin de la perturbation. Provisoirement, ce jour de fin de la perturbation est estimé au 17 avril 2020.

De plus, si la perturbation cesse en Allemagne, les territoires qui pourront bénéficier de ces dispositions seront listés de manière restrictive (en France, au 16/03/20, c’est uniquement le cas de la région Grand-Est).

Outre les dispositions ci-dessus, qui ne s’appliquent qu’aux Etats membres, la R. 134(5) prévoit un dispositif plus étendu, en cas de « calamité naturelle » (ou autre) sur n’importe quel territoire (Article dit « du 11 septembre »). Toutefois, la prolongation du délai ne sera que de 5 jours à l’issue de la fin de la « calamité naturelle », et la « calamité naturelle » devra être justifiée.

L’attention soutenue des déposants et de leurs mandataires est donc requise pendant la période de perturbation. En effet, la suspension de la procédure n’est valable que jusqu’à un temps très réduit à l’issue de la perturbation, peut ne concerner que certains territoires, et nécessiter des justifications selon les cas.


Mécanisme d’interruption de la procédure

Espérons que les déposants/titulaires n’auront pas à faire valoir cette procédure, mais la procédure de délivrance des brevets à l’OEB peut être interrompue en cas d’incapacité du demandeur ou du titulaire (R. 142(1)). Pour les sociétés françaises, ces dispositions sont parfois utilisées en cas de redressement ou de liquidation judiciaire du déposant/titulaire. L’Office Européen des Brevets notifiera alors une date de reprise de la procédure, et les délais recommencent à courir à partir de cette date. Les annuités ayant expiré pendant la période d’interruption sont, elles, dues à la date de reprise de la procédure, seul le délai de grâce (voir ci-dessous) pouvant bénéficier de ce mécanisme.


Poursuite de la procédure

En vertu de l’A. 121 CBE, de nombreux délais peuvent, de droit, être prolongés moyennant le paiement d’une taxe de poursuite de la procédure. La prolongation est de deux mois à compter de la notification de l’OEB constatant le non-accomplissement de l’acte. La taxe de poursuite de procédure est, pour certains actes, calculée proportionnellement au montant d’une taxe non acquittée dans le délai, ce qui peut être assez couteux. L’intérêt de ce mécanisme est toutefois de ne nécessiter aucune excuse de la part du déposant.


Délai de grâce pour le paiement des annuités

Les annuités ne bénéficient pas du mécanisme de poursuite de la procédure, mais peuvent également être acquittées dans un délai de grâce de 6 mois après l’échéance, moyennant le paiement d’une surtaxe.


Procédure de restauration

La CBE prévoit un mécanisme de restauration dans leurs droits des déposants qui, bien qu'ayant fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, n'ont pas été en mesure d'observer un délai à l'égard de l'Office européen des brevets (A. 122 CBE). Ce mécanisme exigeant nécessite la démonstration de la vigilance par le déposant, et implique le paiement d’une taxe. Le plus souvent, il s’applique au délai pour requérir la poursuite de la procédure selon l’A. 121. Espérons donc que la situation sera rétablie avant que cet article ne devienne utile. Toutefois, il pourrait s’appliquer aux demandes de brevet qui, à ce jour, sont déjà, pour diverses raisons, dans le délai de l’A. 121, si les déposants ne sont pas en mesure de respecter ce délai.


Conclusion

En résumé, la CBE prévoit de nombreux mécanismes, souvent payants, de prolongation des délais. Il appartient toutefois aux déposants et leurs mandataires de surveiller avec grande attention ceux-ci. Il sera préférable, tant que possible, de respecter les délais, malgré les difficultés actuelles.

Cette attention soutenue s’applique également aux délais de procédure devant les offices exotiques qui, jusqu’à preuve du contraire, n’ont pas communiqué de dispositions particulières en vue de faciliter la vie des déposants, mis à part l’office italien qui a annoncé suspendre les délais de procédure jusqu’au 3 avril.


In concreto :

Les déposants doivent, comme à l’habitude surveiller leurs délais. Dans l’attente d’une annonce de l’OEB quant à une suspension de la procédure, les déposants sont tenus de faire le maximum pour les respecter. A l’OEB :

- Si un délai imparti est inférieur à 4 mois, voire inférieur à 6 mois, le demandeur peut demander, exceptionnellement, une prolongation supplémentaire en vertu de la R. 132 CBE, mais c’est sans garantie – En cas de refus, il sera nécessaire d’avoir recours à la poursuite (payante) de procédure (A. 121),

- Si une annuité (délai normal) arrive à échéance, il est possible de la payer 6 mois plus tard, moyennant surtaxe (A. 86),

- Pour de nombreux délais, il est possible de demander une poursuite de la procédure (A. 121), moyennant surtaxe,

- Dans certains cas, et notamment pour le délai de requête de poursuite de la procédure, si le déposant dispose d’une excuse légitime pour n’avoir pas respecté le délai, il sera possible de demander une restauration dans les droits (A. 122), moyennant une surtaxe et un dossier justificatif exigeant – la restauration n’est pas garantie,

- En cas d’incapacité sévère (R. 142(1)), il sera possible de demander l’interruption de la procédure – cette procédure permet d’obtenir une prolongation nettement plus longue du délai, mais les conditions quant à l’incapacité du déposant sont drastiques,

- Si l’OEB se décidait à mettre une suspension de la procédure pour disruption du service postal en Allemagne (R. 134(2)), celle-ci s’appliquerait à l’ensemble des délais, et le nouveau délai serait publié par l’OEB. Ce délai serait toutefois le lendemain de la fin de la perturbation en Allemagne. Si toutefois, les services postaux étaient rétablis en Allemagne, une telle disposition pourrait subsister, mais uniquement pour les déposants ou leurs mandataires domiciliés dans une région d’un Etat membre explicitement listée par l’OEB pour être concernée par une disruption du service postal,

- En cas de calamité naturelle sur un territoire (pas forcément un état membre), le déposant domicilié sur ce territoire pourra demander un report du délai jusqu’à 5 jours à l’issue de la fin de la calamité naturelle sur ce territoire, moyennant justificatifs (R. 134(5)),

- Une attention toute particulière est à porter aux annuités, aux délais d’opposition et de priorité, et aux mécanismes de validation du brevet européen devant les différents états membres.

- Bien évidemment, une demande de brevet doit continuer d’être déposée avant toute divulgation publique de l’invention.

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